Ausone Conseil s’est récemment fait remarquer dans la presse régionale pour son étude réalisée sur les besoins et les demandes des habitants de l’agglomération bordelaise en matière de vélos et trottinettes en libre-service. Étudiante le jour, cheffe de projet la nuit, l’association ne ménage pas ses efforts pour développer son panel d’activités. Fière de son actualité foisonnante, l’équipe d’Ausone Conseil nous explique ses enjeux et ses projets en cours. L’occasion également de nous rappeler ses principes fondateurs. Alors, c’est quoi une Junior-Entreprise ?
Ce qui surprend le plus en les rencontrant, c’est la facilité avec laquelle Victoire Foeillet et Marie Hennard manient le vocabulaire de l’entreprise. « Process », « skills », « fidélisation client »... Les codes de la gestion de projet sont clairement maîtrisés par les deux nouvelles co-présidentes d’Ausone Conseil. Un choix, et presqu’un mode de vie, assumés par ces deux étudiantes de quatrième année, dont la motivation est sans borne : « toute l’équipe est extrêmement mobilisée pour développer la Junior-Entreprise » affirme Victoire Foeillet.
Inauguré avec la création de celle de l’ESSEC, le mouvement des Junior-Entreprises naît dans les années 60. Implantées dans les établissements d’enseignement supérieurs, elles s’inscrivent dans une vocation économique et pédagogique, à but non lucratif. En clair : elles donnent l’opportunité aux étudiantes et étudiants de s’investir dans des missions rétribuées, pour le plaisir de profiter de premières expériences professionnelles mais aussi pour favoriser leur employabilité future. Au bout de la chaîne, de « vraies » entreprises, intéressées par les compétences des élèves de l’école. « L’image de marque de Sciences Po Bordeaux joue énormément dans l’attrait de notre Junior-Entreprise. Elle est gage de qualité auprès de nos clients » confirme Marie Hennard, âgée comme sa partenaire de 21 ans.
Un cadre juridique et éthique
Mises en place pour permettre aux étudiants de mettre en pratique l’enseignement théorique dont ils bénéficient pendant plusieurs années, les Junior-Entreprises proposent avant tout des missions de conseil. Un échange « donnant-donnant » avec les entreprises désireuses de collaborer avec les étudiants. Des missions variées et tarifées leurs sont proposées ; en contrepartie, des expertises fines sont proposées aux clients. « Les secteurs avec qui nous sommes en contact sont très diversifiés : nous pouvons donc faire appel à l’ensemble des masters de Sciences Po Bordeaux ».
Les co-présidentes tiennent néanmoins à le rappeler : Ausone Conseil n’est pas une entreprise. Si elle s’avère différente dans son fonctionnement d’une association plus « classique », elle possède néanmoins ce statut et s’engage à assurer une plus-value pédagogique aux missions dans lesquelles elle s’engage. « On ne va évidemment pas développer de sites internet ! Les compétences utilisées doivent avoir un lien avec nos études à Sciences Po Bordeaux » affirme Victoire Foeillet. En proposant des offres de prestation larges (affaires publiques, marketing, audit, entrepreneuriat, communication…), l’entité rappelle néanmoins que ne devient pas Junior-Entreprise (J.E.) qui veut.
Née en 2009, Ausone Conseil fait partie de la CNJE, la Confédération nationale des Junior-Entreprises, créée en 1969. Il s’agit, à cette époque, de fédérer les Junior-Entreprises existantes pour donner plus de force à leur action, mais également de lui appliquer un cadre légal et des lignes directrices claires. Le terme Junior-Entreprise est, en ce sens, devenu une marque déposée. Chaque nouvelle Junior-Entreprise se doit donc de respecter des conditions réglementées (il ne peut par exemple y avoir qu’une seule JE par université ou école). Aujourd’hui, le mouvement réunit plus de 200 organisations et rassemble plus de 2000 étudiants : il s’agit du plus grand mouvement étudiant français.
Victoire Foeillet et Marie Hennard
Une organisation ficelée
Tout comme les autres Jeunes Entreprises françaises, le fonctionnement interne d’Ausone Conseil répond à une organisation bien précise. Côté « ressources humaines », l’équipe de 22 membres, appelés « administrateurs », évoluent dans un cadre totalement bénévole. Lorsqu’une entreprise contacte la Junior-Entreprise en vue d’une mission (qui consiste la plupart du temps en la réalisation d’une étude), ces bénévoles s’engagent à rechercher, au sein des élèves de Sciences Po Bordeaux, « la perle rare » pour répondre à la demande du client, en postant, la plupart du temps, une annonce sur les réseaux sociaux. « Nous sélectionnons, au terme de plusieurs étapes, le profil que nous jugeons le plus adéquat. Tant en termes de compétences qu’en termes de disponibilités. Nous rencontrons très régulièrement des étudiants extrêmement qualifiés » ajoute Marie Hennard. Ils s’investissent dès lors pour une mission, qui peut durer de deux semaines à six mois, qu’ils s’engagent à honorer, en dehors de leurs heures de cours.
Côté finance, les élèves profitent d’un statut d’intervenant, encadré par la CNJE. Une fois l’étude rendue (et les recommandations livrées), les étudiants et étudiantes reçoivent un « bulletin de versement » (qui fait suite à un « récapitulatif de mission », le document conventionnel qui leur rappelle leur durée de mission, les critères inhérents à celle-ci et la rétribution prévue). Si les Junior-Entreprises bénéficient d’une exonération fiscale, les intervenants cotisent pour le chômage et leur retraite. « La rétribution, est une question que l’on nous pose régulièrement. Si les prestations que nous réalisons sont payantes, les membres d’Ausone Conseil ne se rémunèrent pas. On a souvent cette image d’association capitaliste mais personne ne s’enrichit ! » sourit Marie Hennard.
Tout aussi encadré, le système économique des Junior-Entreprises répond à des exigences précises. La rétribution annuelle de l’association doit par exemple être reversée à 70% aux intervenants (les élèves de master mis à contribution pour les études demandées). « L’année dernière, 21 000 euros ont été utilisés pour rétribuer nos intervenants » précise Victoire Foeillet. Chaque année, la Jeune Entreprise est, enfin, soumise à un audit, dirigé par la CNJE. L’occasion pour l’organisation de tirer un bilan annuel de ses activités.
Outre l’organisation interne de l’association, les méthodes de travail appliquées sont également délimitées. Les études réalisées répondent effectivement à un processus bien ficelé. Victoire Foeillet l’explique : « On commence par une phase dite préliminaire : la sélection des intervenants, leur formation, une veille documentaire ou concurrentielle… S’ensuit une phase de terrain, qui précède la phase d’analyse puis de synthèse. À la fin, un livrable final tangible et de qualité est déposé et livré au client. Toutes les données étudiées et recommandations y sont répertoriées ». Une méthodologie éminemment formatrice, qui permet d’appliquer concrètement ses connaissances et de valoriser ses compétences, en tant qu’élève de Sciences Po Bordeaux. Responsabilisante et professionnalisante, l’expérience en Junior-Entreprise est souvent bien connue et valorisée par les recruteurs.
Trois missions pour BIRD France
Concrétisation du travail d’Ausone Conseil et épisode marquant pour ses administrateurs, la collaboration avec la start-up BIRD représente, selon eux, l’une de leur plus belle réussite. L’équipe de cette société (à l’origine américaine) a contacté l’association en 2020, dans le cadre de l’appel d'offres de la Mairie de Bordeaux qui souhaitait préciser l’offre de trottinettes électriques sur la ville. « Le monde est petit : notre contact initial chez BIRD France est une alumna de Sciences Po Bordeaux, anciennement membre d’Ausone Conseil ! Le siège français, localisé à Paris, avait besoin d’oreilles et d’yeux sur place, à Bordeaux…» se réjouit Victoire Foeillet.
Une aubaine pour les membres d’Ausone Conseil, qui s’engagent, en deux ans, sur trois projets successifs. Si cet exemple est témoin d’une excellente fidélisation client, il figure également comme un cas pratique typique des missions auxquelles la Junior-Entreprise de Sciences Po Bordeaux peut être confrontée. Victoire Foeillet décrit ainsi cette dernière expérience : « La troisième étude que nous avons menée, nommée Bird III, a débuté en novembre 2021, avec un diagnostic territorial. Compte tenu du domaine associé, il nous paraissait logique d’y associer des élèves des masters SGM (Stratégies et Gouvernances Métropolitaines) et APRI (Affaires Publiques et Représentation des Intérêts). Pour réaliser cette évaluation, l’offre de transport de l’agglomération bordelaise a été étudiée à la loupe (quel maillage territorial, quelles lacunes, quels avantages ?). De cette étape, ont ensuite été élaborés des questionnaires. Les données récupérées et croisées ont ensuite été analysées pour produire des conclusions, in fine utilisées par l’entreprise BIRD pour, entre autres, peaufiner leurs échanges avec les élus locaux ».
Si le professionnalisme de ces étudiantes de 21 ans peut désarçonner, ces dernières semblent parfaitement endosser la pression qui leur incombe. Marie Hennard raconte : « Je sais que je consacre beaucoup de temps à la Junior-Entreprise, parfois mes soirées et mes week-ends… mais il me tient à cœur d’acquérir de l’expérience professionnelle ». Elle rappelle néanmoins que l’investissement auprès d’Ausone Conseil est régulièrement ponctué de moments conviviaux. « Je pense notamment aux congrès. Quatre fois par an, la CNJE organise des événements régionaux ou nationaux dans des cadres idylliques. Cela représente toujours un grand moment dans la vie des Junior-Entreprises mais aussi une récompense, pour notre engagement bénévole ».
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